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Vicente BLASCO IBAÑEZ

Un républicain et un humaniste à Fontana Rosa

 

par

Patrick ESTÈVE

Président du Cercle Blasco Ibàñez

 

A Fontana Rosa à Menton, Vicente Blasco Ibañez en exil est resté lui-même malgré une vie mondaine sur la côte d’azur rendue possible par la fortune de ses activités littéraires et des films tirés de ses œuvres à succès, en particulier : « les quatre cavaliers de l’apocalypse », « arènes sanglantes » et « Mare Nostrum ».

C’est que l’homme a été très tôt animé par un idéal républicain et humaniste enracinés dans son for intérieur, un idéal de solidarité où l'individu doit tuer le « vieil homme » pour donner libre cours à une vie sans entrave, mais non sans devoir.

Parlant de sa jeunesse à ses hôtes à Fontana Rosa, Blasco Ibañez racontait aisément ses souvenirs :

«  Je me couchais avec les Girondins de Lamartine », disait-il, avant de poursuivre : « je déjeunais avec Louis Blanc. Le cycle de ma vie était tracé : je serai le Danton de l'Espagne, puis je mourrai. »

Blasco Ibàñez a vécu en homme libre et révolté à la Camus, s’est nourri de la nature méditerranéenne et de la "Pensée de Midi" et s’est affranchi des cadres trop rigides de l'éducation et de la religion à l’instar d’un Nietzsche, littéraire valencien, sans rien perdre de ses racines ni de ses sens exaltés au bord de la mer méditerranée où ses passions se sont exercées dans l'art et les controverses politiques et sociales.

Il était donc quasiment naturel que Vicente Blasco Ibàñez devienne franc-maçon, à l'âge de vingt ans, précisément le 6 Février 1887 à Valencia où il intégra en qualité d’apprenti la Loge n°14 « l’Union » du Grand Orient de France au sein de laquelle, selon la tradition espagnole, il choisit un nom symbolique : « Danton », dont on peut comprendre aujourd’hui les ressemblances, quelles soient de force physique ou d’éloquence entre les deux personnages engagés.

Vingt ans plus tard, vers 1909-1910 (la date exacte n'est pas fixée à ce jour), l'écrivain participe à la création d'une nouvelle loge maçonnique à Valencia : « l'Acacia », n°25 du Grand Orient de France.

Le devoir de Blasco Ibàñez se précise alors et il fait sienne la devise : Liberté, Égalité, Fraternité qui le décide à pousser l'humain à progresser et à s'améliorer, en commençant par lui-même, à l'intérieur, mais aussi à l'extérieur de la franc-maçonnerie.

Fidèle à ces idéaux, il présente un discours républicain et humaniste au « Centre de Fraternité Républicaine » de Madrid le 4 février 1904 où il proteste contre l'absence de liberté de la presse et contre la condamnation à la prison du journaliste républicain Espagnol : Facundo Dorado.

Blasco Ibàñez se bat également en duel pour préserver son honneur et ses valeurs à l’issue de cette prise de position partisane où il est incarcéré, circonstance au cours de laquelle il ne faillit pas à ses devoirs de républicain et de franc-maçon, car il n'accepte pas l'iniquité qui le frappe et qu’il combat, même au péril de sa liberté et de sa vie.

Cet attachement à la liberté, à l'égalité et à la fraternité fait très tôt ressentir à Blasco Ibàñez une grande affinité avec la France, dont il a découvert la culture par son versant le plus progressiste et le plus humain au travers de l'œuvre de Victor Hugo et d’Émile Zola.

À ce titre, l’écrivain réalise un travail remarquable de divulgation de la littérature française grâce à sa maison d’édition « la Editorial Prometeo » à Valencia, dirigée ensuite par ses descendants.

Lors de son premier exil à Paris, Blasco Ibàñez s'établit à l'hôtel des grands hommes, place du Panthéon dans le 5ème arrondissement, et reçoit un accueil chaleureux de la Capitale française en qualité d'exilé politique : la France le nomme Chevalier de la Légion d'Honneur le 11 décembre 1908.

En 1914, de retour du quatrième voyage de ses deux colonies en Argentine : « Nueva Valencia » et « Corrientes » , la guerre européenne éclate et l'écrivain en souffrance prend naturellement fait et cause pour la France au cœur d’une situation qui lui est intolérable.

En communion totale avec le peuple français, Blasco Ibàñez rédige un journal de guerre qu'il envoie régulièrement en Espagne pour le publier dans « El pueblo » d’où il tire une « histoire de la Grande Guerre » où le premier article commence ainsi :

«  Si la France s'éteignait, nos peuples latins demeureraient errants à travers le ciel de l'histoire comme des planètes sombres et froides, attendant l'heure où un nouvel astre monstrueux et informe, fait de matières qui nous sont étrangères, viendrait nous entraîner dans son tourbillon vertigineux, comme une poussière soumise ou inerte. »

Blasco Ibàñez prend fait et cause pour les Alliés dès le début de la guerre et souligne le rôle primordial joué par les États-Unis dans le conflit. L'écrivain rédige ses chroniques depuis Paris où il publie « les argonautes » et où il se détache des premiers thèmes de son œuvre jusqu’alors très centrée sur l’Espagne, les contes et les romans valenciens.

Engagé, le Valencien privilégie alors une vision élargie du monde où la guerre lui fournit matière à une trilogie : « Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse » en 1916, « Mare Nostrum » en 1918 et « Les Ennemis de la femme » en 1919.

"Les quatre Cavaliers de l'Apocalypse" paraissent dans un premier temps aux États-Unis où ils sensibilisent les Américains sur le péril dans lequel se trouve la civilisation européenne.

Cela vaut à l'auteur d'être reçu au Congrès à Washington en 1920 et d'être fait Docteur Honoris Causa de l'Université de Washington le 23 février de la même année, lors d'une cérémonie fastueuse.

Un cœur assorti d'un caractère d’homme exceptionnel qui cherche sans cesse et par tous les moyens à comprendre les ressorts, les mythes et les angoisses de son temps, un homme de devoir, travailleur infatigable toujours prompt à voler au secours des plus démunis et à prodiguer son aide : voilà ce que nous pouvons retenir de Vicente Blasco Ibàñez républicain et humaniste, une personnalité hors du commun qui a de plus cherché à transmettre sa volonté et son audace.

Les romans de Blasco Ibañez s'inspirent la plupart du temps d'expériences vécues, et il aimait à dire qu’en littérature, il avait toujours marché seul, que ses romans étaient tirés de sa vie.

Dans « Les morts commandent », son roman préféré des trente-deux qui composent l'oeuvre, Blasco Ibàñez termine par cette phrase :

«  Qui commande ? Ce ne sont pas les morts, c'est la vie et par-dessus la vie , l'Amour. »

Sentiments blasquistes.

Patrick ESTÈVE

Président du Cercle Blasco Ibàñez

 

 

Vicente Blasco Ibàñez : un républicain et un humaniste à Fontana Rosa
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