Bonsoir.
J'ai la joie de mettre en ligne cet article (et les photos) relatif à la remise des Prix du concours de nouvelles pour lycéens "Vicente Blasco Ibañez 2014" qui a été un véritable succès.
Le classement final a mis au jour :
1er Prix : Mlle Gaelle LEM pour "Le Citron d'Eve"
2ème Prix : Mlle Célia CASIGLIA pour "Je reviendrai t'accompagner"
3ème Prix : Mlle Jennifer VALLAURI pour "Sans Titre"
La cérémonie de remise des Prix s'est déroulée en présence de nombreux visiteurs, des Professeurs coordonnateurs, des familles, des lycéens, de la représentante de la Ville de Menton, de Monsieur Maurice Lethurgez personnalité invitée du monde des Lettres, qui est intervenu dans la dernière phase de classement des trois lauréats. De plus, Monsieur Yves Grancher, Comédien, a eu la gentillesse de dire la nouvelle du 1er Prix : "Le Citron d'Eve".
Vous trouverez ci-dessous le discours de Monsieur Maurice Lethurgez qui a procédé au dévoilement des trois meilleures nouvelles. Ces dernières feront l'objet d'une publication séparée sur ce site, et "Le Citron d'Eve" bénéficiera d'une publication par la Société d'Art et d'Histoire du Mentonnais (SAHM).
Toutes nos félicitations aux trois jeunes filles lauréates dont les œuvres promettent, comme l'a indiqué Monsieur Maurice Lethurgez.
Bien à vous tous,
Patrick ESTEVE - Président du Cercle Blasco Ibañez.
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Discours de Monsieur Lethurgez, personnalité invitée du monde des Lettres pour le 1er Concours de nouvelles "Vicente Blasco Ibañez 2014" :
Menton le 31 mai 2014
Monsieur le Président du Cercle Blasco Ibanez,
Monsieur le Député Maire de Menton,
Monsieur le Maire de Roquebrune Cap Martin,
Mesdames et Messieurs, les Élus du Bassin Mentonnais,
Mesdames et Messieurs les Membres du Cercle Blasco Ibanez,
Mesdames et Messieurs les membres du Jury,
Mesdames et Messieurs
et
Chers amis Lycéens,
Aujourd'hui, par notre présence, nous honorons Vicente Blasco Ibàñez, un grand nom de la littérature et c'est un moment, chers amis lycéens, un moment privilégié pour que le mystère de la création, le mystère de l'écriture se love dans l'imaginaire de chacun d'entre vous. Et je suis particulièrement honoré d'avoir été choisi et promu Président du Jury de ce concours de nouvelles du Cercle Blasco Ibanez.
Aujourd'hui, sans en prendre peut-être une claire conscience, vous avez fait, chers amis lycéens, que vous soyez ou non choisis parmi les trois meilleures nouvelles , vous avez fait un grand pas dans la vie, dans votre propre vie. Vous avez mis vos pas dans ceux d'un grand romancier.
Vous avez répondu à l'appel.
Oui vous avez répondu à l'appel !
Sans cet appel à concourir, sans vos professeurs qui en ont été les relais, certains d'entre vous n'auraient peut-être jamais osé écrire une nouvelle... Car il faut OSER écrire... et se donner à lire. Et vous l'avez fait. Soyez-en tous félicités et en même temps remerciés. Et votre participation à ce qui est un concours témoigne que vous n'êtes pas indifférents à ce qui se passe dans votre ville aux portes de votre Lycée.
Mettons-nous un instant à rêver.
Peut-être que cet appel sera pour certains d'entre vous à la source de l'éveil d'un désir d'écriture et cela s'adresse aussi à celles et ceux qui ont concouru mais qui aujourd'hui ne seront pas choisis.
C'est par la grâce de votre parole, car l'écriture est une parole proposée à la lecture de l'autre, parole qui, quelque part, se veut être entendue sinon écoutée, vous avez répondu à l'appel créant ainsi un lien nouveau entre mémoire et présent où la matière sonore de votre verbe s'est alliée à l'imaginaire, où votre pensée a suivi les voies secrètes de l'écriture, où l'intuition a entrouvert les voies de la sensibilité, où la raison s'est mise à vous sourire, où l'écriture d'abord hésitante s'est affermie.
Oui chers amis Lycéens, vous vivez un moment privilégié dont les développements futurs nous échappent, vous échappent.
Comme vous venez de vous en rendre compte, j'ai pris soin aujourd'hui d'inscrire ce moment dans l'urgence d'une parole dont la vocation première est de dire le sens, le sens de ce que nous vivons, pour le restituer et le partager avec la communauté vivante ici présente.
Que serait la vie, que serait ,l'écriture s'il n'y avait la passion qui se fasse entendre au fond du cœur en ce lieu où est présente la mémoire de Vicente Blasco Ibanez, en ce moment que le Cercle qui porte son nom a su créer et où chacun d'entre nous est appelé à une certaine méditation. Ce lieu, chers amis, et ce moment que nous vivons relèvent de l'esprit de transmission qui nous vient du passé et va vers l'avenir.
Mais le moment est maintenant venu de parler des trois lauréats qui ont été retenus.
Le Jury a lu chacune des 27 nouvelles qui se devaient de répondre à la thématique suivante : « Sur la Côte d'azur ».
« Sur la Côte d'azur » Quatre mots qui font rêver... Quatre mots qui vous ont fait écrire une nouvelle... Vous, qui vivez sur la Côte d'Azur...
Mais qu'est-ce qu'une nouvelle ?
Dans l'histoire de la littérature française Thibaudet nous dit que « la nouvelle comporte généralement (…) la présence ou le passage d'un voyageur, d'un témoin qui raconte, d'un curieux qui observe etc... » La nouvelle est donc un récit bref, dont la construction dramatique obéit à l'unité d'action et qui présente des personnages peu nombreux dont la psychologie n'est guère étudiée que dans la mesure où ils réagissent à l'événement qui fait le centre du récit.
Donc chacune de ces nouvelles devait se dérouler sur la Côte d'Azur et nulle part ailleurs. Il y avait là imposée une certaine unité de lieu. Et celle-ci se devait d'être clairement perçue comme le lieu où seule l'action avait pu se réaliser.
La construction dramatique de chacune de ces nouvelles devait obéir à l'unité d'action, et les personnages se devaient de n'être pas nombreux et bien discernables et leur comportement, leurs réactions psychologiques répondre à l'événement qui nous était raconté.
Voilà pour les contraintes dans lesquelles la nouvelle pour être une nouvelle devait s'inscrire. A propos de contraintes voici ce que Charles Baudelaire écrivit : « La nouvelle, plus resserrée, plus condensée, jouit des bénéfices de la contrainte : son effet est plus intense ; et comme le temps consacré à la lecture d'une nouvelle est bien moindre que celui nécessaire à la digestion d'un roman, rien ne se perd de la totalité de l'effet. »
Certes, au-delà de ces contraintes qui relèvent de la nouvelle, il y a les contraintes liées à la langue écrite qui elle aussi obéit à certaines contraintes dont on ne peut se départir. Et là, pour plagier Baudelaire, si nous voulons jouir de la contrainte ne serait-ce qu'orthographique, quelques progrès restent à faire. Et ce n'est pas un problème annexe. C'est une nécessité de la langue écrite. Car c'est aussi, par le texte écrit que l'on donne à autrui, une certaine image de soi que l'on propose...
Il est donc clair que sur chacune des nouvelles nous avons armé notre lecture de la grille que je viens de vous présenter. Il ne s'agissait pas de dire « j'aime » ou « je n'aime pas » mais il s'agissait de classer les trois nouvelles qui sur les 27 répondaient le mieux à cet ensemble de contraintes que l'on appelle aussi critères.
La nouvelle « Le citron d’Ève » répond pleinement à la thématique de cette année « Sur la Côte d'Azur ». Plus encore elle se déroule à Menton en suggérant, sans le dire, que sa fête des citrons se rattacherait à la fuite d’Ève du Paradis perdu avec ce fruit d'or qui donnera les citronniers dans le paradis qu'est Menton. Il y a bien entendu unité de lieu et d'action. Et si les personnages humains sont au nombre de trois : le Vieux, le Narrateur et la belle Olivia, il est d'autres personnages qui sont au cœur de cette nouvelle, ce sont les citronniers qui, en quelque sorte vont métaphoriser l'exploitation que le narrateur, qui les a reçus en héritage de la part du Vieux, va leur infliger, par ignorance, avec son désir de tirer le profit le plus grand dès la première récolte. C'est le drame de la souffrance liée à l'exploitation jusqu'à l'épuisement qui est ici métaphorisé. Nous sommes d'abord au cœur du comportement premier de l'homme ainsi que secondairement de sa prise de conscience éthique, du mal qu'il a ainsi provoqué, mal qu'il cherchera à combattre pour qu'enfin la Nature symbolisée par les citronniers et la nature humaine retrouvent l'équilibre du mieux vivre ensemble jusqu'à cette transmission entre les générations entre le Vieux et le narrateur et le fils du narrateur dont nous apprenons à la fin de la nouvelle qu'il porterait le prénom du Vieux : Adrien... La transmission s'accomplit...
Je me permets de souligner sur le plan de l'écriture quelque chose qui pour moi est une réelle surprise dont je voudrais témoigner. Je vais lire la deuxième phrase de cette nouvelle qui parle d'Adam et Ève et je m'expliquerai. Voici cette phrase : « Après avoir erré des jours durant sur la terre, ils arrivèrent dans un endroit magnifique leur rappelant en tous points leur jadis demeure, la baie de Garavan. » Leur « jadis demeure » « Jadis » adverbe de temps est ici employé comme s'il s'agissait d'un adjectif et placé en avant du substantif « demeure » L'effet produit par la singularité de cette écriture place de façon encore plus évidente la demeure hors du temps.
En conséquence, la nouvelle « Le citron d'Ève » se voit proposer le premier prix.
Ah ! Voici la deuxième nouvelle que le jury a retenue : « Je reviendrai t'accompagner » est son titre. Elle commence par un coup de téléphone qui va faire revenir la narratrice, Mademoiselle Lévy, de la région parisienne où elle est installée et travaille depuis quelques années à Menton où elle est née et a vécu longuement. Elle y revient à la demande de son vieil oncle hospitalisé et qui veut la revoir au moins toute une journée en tête à tête comme dans le passé lorsqu'elle était une petite fille. L'argument de l'action est rigoureusement mis en place et l'ensemble répond aux contraintes inhérentes du genre qu'est la nouvelle. La psychologie de la narratrice est délicatement suggérée et ponctuée de bribes de souvenirs de l'enfance avec cet oncle. On revit des instants du passé simplement suggérés tout en vivant des instants présents... Et les gestes du passé sont aisément retrouvés dans la complicité des retrouvailles mais le vieil oncle sait bien que c'est la dernière fois et il en savoure toute la durée jusqu'à l'instant des confidences et du dernier cadeau : « Tu vois, dit-il, cette petite caisse ; tu l'ouvriras et tu y trouveras un petit livre... Ce sont mes mémoires de pêcheur mentonnais... »
En conséquence la nouvelle « Je reviendrai t'accompagner » s'est vu attribuer le deuxième prix... Et nous sommes là aussi dans l'esprit d'une transmission...
Il est une troisième nouvelle qui porte comme intitulé, ces simples mots mis entre parenthèses : (Sans titre). Elle a cette particularité de ne répondre que partiellement au thème imposé : « Sur la Côte d'Azur ». Certes, elle commence par cette phrase : « Cela fait dix ans que je suis installé à Nice avec Jeanne. » Mais ensuite, son déroulement ne témoigne d'aucune présence réelle, décrite, ressentie voire imaginée qui nous rappellerait que nous sommes sur la Côte d'Azur. Nous apprenons que nous sommes sur la Côte d'azur que par cette première phrase et à la dernière phrase lorsque le narrateur lit sa propre stèle mortuaire...
Toutefois, le déroulement de cette nouvelle répond parfaitement à l'ensemble des contraintes inhérentes au genre littéraire qu'est la nouvelle et le style est alerte, soigné, la psychologie du narrateur est suggérée avec une certaine délicatesse où perce l'inquiétude et l'incompréhension et l'intérêt est maintenu du début jusqu'à la fin. Certes, ce narrateur romancier, dont la conscience se parle et continue de nous parler tout en passant de vie à trépas, s'il ne comprend pas la situation dans laquelle il voit les autres agir en sa présence, va soudain découvrir en les suivant vers le cimetière jusqu'à sa tombe où il découvre son nom : Gaston-Alfred-Louis LEROUX 1868-1927. Événement qui nous ramène à Nice où est enterré cet écrivain qui inventa le héros reporter détective Rouletabille. La chute pour être bien perçue, par le lecteur, comme ne pouvant se dérouler que sur la Côte d'Azur, nécessite que le lecteur sache qui fut Gaston Leroux...
Même si j'ai beaucoup aimé cette nouvelle (Sans Titre) elle ne s'inscrit que partiellement dans la thématique imposée, mais il y a en elle de grandes qualités et de grandes promesses.. En conséquence elle se voit proposer le troisième prix.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Jury, et vous tous qui êtes présents je vais m'adresser plus particulièrement aux trois lauréats leur souhaitant de continuer dans cette voie qu'ils viennent d'emprunter sachant qu'elle requiert qu'ils lui donnent toute leur énergie et qu'ils se montrent de plus en plus exigeants avec eux-mêmes sur le plan de l'écriture dont il leur faudra, au fil du temps, trouver leurs thèmes et leur style.
Courage ! Cela vaut d'être vécu. Et soyez tous trois félicités."