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Chers amis et adhérents,

J’ai le plaisir de vous annoncer la 3ème rencontre-débat du Cercle Blasco Ibañez qui se déroulera samedi 14 mars 2015 à 15H00 au Musée Régional de la Préhistoire Bonfils, rue Lorédan-larchey à Menton.

Cette nouvelle rencontre-débat (gratuite et ouverte à tous) a pour thème « Mare Nostrum » qui est le thème du concours de la nouvelle pour lycéens Vicente Blasco Ibañez 2015 et le titre du célèbre roman de Vicente Blasco Ibañez ; elle sera présentée par Madame Almudena Arellano, Docteur en Sciences Préhistoriques, qui a relu le roman « Mare Nostrum » pour l’occasion.

Almudena Arellano appuiera son propos sur l’exposition actuellement en place au Musée Régional de la Préhistoire sur le thème de la Mer Méditerranée.

La conférencière a, de plus, produit trois textes regroupés ci-dessous sous la forme d’impressions de lecture du roman « Mare Nostrum ».

J’espère vous compter nombreux à cette 3ème rencontre-débat où toutes les questions seront évidemment les bienvenues.

A samedi prochain, 14 mars 2015 à 15H00 sur place pour échanger autour de « Mare Nostrum » et de Vicente Blasco Ibañez.

Patrick Estève – Président du Cercle Blasco Ibañez.

 

P.S. : la 4ème rencontre-débat aura lieu samedi 6 juin 2015 à 10H00 au jardin « Fontana Rosa » sur le thème « Vicente Blasco Ibañez et le cinéma » par Mme Cécile Fourrel de Frettes, docteur en Études Hispaniques.

 

3ème Rencontre-débat du Cercle Blasco Ibañez

Musée Régional de la Préhistoire « Bonfils » de Menton.

14 mars 2015 à 14H00

 

Mme Almudena Arellano traitera du parallèle entre l’exposition Mare Nostrum et le roman du même nom de Vicente Blasco Ibañez.

 

*

 

*                         *

 

Prolégomènes, rêveries et pensées du bord de la mer Méditerranée

par

Almudena Arellano

 

 

Ulysse Ferragut est le principal protagoniste du roman « Mare Nostrum » de Vicente Blasco Ibañez (écrit en 1918) et nous avoue que le premier amour de son enfance avait été une impératrice de Grèce. Même s’il n’avait jamais rencontré cette personne, son imagination l’avait modelée à partir de l’épitaphe « Aqui’jace Da Costaça Augusta Emperatriz de Grecia » qui ornait la tombe de l’impératrice : simple boîte de bois accrochée le haut d’un mur dans la chapelle de Sainte Barbe à Saint Jean l’Hôpital, à Valencia en Espagne.

On aurait pu imaginer que Blasco avait inventé une légende, mais non, Constance de Hohenstaufen a bien existé et l’étude historique qui a vraisemblablement servie à Blasco pour recréer son personnage n’est autre que celle de Gustave Schlumberger, apparue dans la revue des « Deux Mondes » en 1902 (5ème période, Tome 8, pages 395 à 407, étude facilement consultable sur Internet).

Mais qui était donc cette femme fatale qui a touché Blasco au point de la représenter dans l’univers imaginaire et romantique d’un de ses romans ?

Constance était une des nombreuses filles de Frederic II de Hohenstaufen ; elle sera mariée en 1244, à l’âge de 14 ans à peine, à Jean Vatatzès après la mort de sa première femme. Le grand-père d’Eudoxie Lascaris, une autre princesse byzantine que nous connaissons bien dans la région Mentonnaise, car elle a été mariée au seigneur Guillaume Pierre, comte de Vintimille, prendra ensuite le nom de son épouse, ce qui amène à l’origine de l’utilisation du nom « Lascaris » au sein de cette très puissante famille de seigneurs de Vintimille, de Castellar, de Gorbio, de Tende, et de la Brigue notamment.

Les rapports entre les deux princesses ne sont pas connus, cependant, elles se sont côtoyées.

Quand le mari de Constance (grand-père d’Eudoxie) décède en 1254, sa petite-fille a déjà six ans. Le père d’Eudoxie (fils de Jean Vatatzès et de sa première femme) monte sur le trône impérial sous le nom de Théodore II et décide, pour éviter les conflits, de maintenir à l’écart de la cour tous les autres proches issus de l’ancien empire. Constance est alors une jeune veuve de 24 ans et sans descendance.

Michel Paléologue est un puissant militaire fidèle à l’ancien empereur qui a de son côté des ascendances familiales impériales aussi, la mort subite de Théodore II, seulement 4 ans après être monté sur le trône déclenche une guerre de succession entre Michel Paléologue et le frère d’Eudoxie : encore trop jeune pour régner. Puis le militaire victorieux du conflit se débarrasse des héritiers de Théodore en les enfermant (sort réservé aux héritiers mâles) ou en les mariant loin de son Empire.

C’est ainsi qu’Eudoxie fut mariée au Conte de Vintimille en 1261. Constance, quant à elle, se voit demander en mariage par l’Empereur Michel, mais elle refuse, préférant le couvent où elle restera jusqu’en 1265 qui est l’année ou elle est échangée contre un militaire byzantin pris en otage par son frère Manfred, Roi de Sicile, qui l’accueille aussitôt dans ses terres.

L’ancienne Impératrice et la Princesse se trouvent ainsi, toutes les deux, bien loin des terres byzantines.

Puis c’est un nouveau voyage : l’Impératrice repart de Sicile (son frère décédé un an plus tard seulement, en 1266) vers la côte « valenciana » où elle finira ses jours en 1307 dans le couvent de Sainte Barbe sous la protection de Pedro III (époux d’une de ses nièces). Sa sépulture fait tant rêver Ulysse Feragut (et probablement Blasco Ibañez aussi).

La princesse Eudoxie arriva quant à elle en 1262 sur les bords de la méditerranée Valencienne et y laissera une empreinte indélébile : elle finira elle aussi ses jours à 63 ans à la Cour du roi d’Aragon, en 1311, seulement 4 ans après la femme de son aïeul...

Mare Nostrum continuait avec les « puissants » le ballet unique auquel elle se livrait depuis ds siècles avec les humbles.

 

II

 

La Méditerranée de Vicente Blasco Ibanez est complexe et réaliste. Parfois, elle se voile du romantisme qui évoque la mer légendaire du « Triton » , le Docteur Ferragult : oncle d’Ulysse, personnage principal de Mare Nostrum, mais elle ne reste pas pour autant moins dangereuse, car l’oncle disparaîtra un jour dans les eaux de cette « mer d’intérieur ».

Mais la mer Méditerranée est surtout chargée d’histoire tumultueuse, antique et ancienne, qui se répand sur toutes les côtes que l’entourent depuis un passé bien lointain.

Dans ces temps fortement reculés, les protagonistes sont des « hommes misérables errant sur les grèves à la recherche des coquillages que la mer rejetait » écrit Vicente Blasco Ibanez qui présente de très forts a priori en ce qui concerne la préhistoire.

Ce qui semble intéresser Vicente Blasco Ibañez, c’est de poursuivre la marche du temps sur le « chemin bleu » : réceptacle des « merveilles de la vie » autour duquel les hommes évoluent et s’organisent, sans oublier que «de ses entrailles (de la mer) étaient nés les dieux ».

Les dieux de Vicente Blasco Ibañez dans Mare Nostrum sont des dieux antiques, des dieux phéniciens et des dieux grecs, bien d’autres encore qui se mêlent durant « 40 siècles de flux de peuples, de chocs et de guerres » donnant comme résultat une forme bien spécifique d’homme : l’Homme Méditerranéen qui est une «  statue de métal imprégnée de soleil et d’énergie » capable de s’adapter à toutes les circonstances, saint ou bandit, mais « jamais il n’était médiocre  ».

Vicente Blasco Ibañez s’enflamme d’amour pour ses personnages qui sont des hommes issus des terres imprégnées par les eaux de la mer : « plus vieille que la plus vieille des histoires humaines » comme l’écrit Fernand Braudel dans ses « Mémoires de la Méditerranée » (1998) et dont lui-même fait partie. Braudel présente ainsi sa vision (tout à fait réaliste) de la Vie telle que la tribu méditerranéenne (particulièrement au sud) la conçoit, dessinant avec ses mots une mentalité qui consiste à s’abandonner aux plaisirs les plus élémentaires et de les délaisser aussitôt pour suivre des idéaux parfois les plus absurdes ( le rationalisme n’étant pas un caractère déterminant en Méditerranée). Le méditerranéens est ainsi hardi et résolu, génial même en affaires et ensuite il peut tout quitter, s’indigner jusqu’au meurtre et prier jusqu’aux larmes : « jamais médiocre » dit Vicente Blasco Ibañez sur « ses » hommes rarement mesurés.

III

 

Un des sujets le plus largement traité par Vicente Blasco Ibañez dans «  Mare Nostrum » est celui de la navigation.

Dans le roman, le protagoniste est ancré dans son temps entre XIXe et le XXe siècle où il évoque un commerce transatlantique qui se développe de manière parallèle au déclin économique du monde romantique des pêcheurs méditerranéens, des contrebandiers et des pirates sarrasins issus des paisibles villages côtiers : indifférents au nouveau monde en devenir.

Les études historiques confirment que depuis le XVIe siècle l’Europe connaît une série de transformations qui diminuent progressivement le système de commerce en Méditerranée (M. Fontenay, 2010 « La Méditerranée entre la Croix et le croissant : navigation, commerce, course et piraterie : XVIe - XIXe siècle »).

Le développement du marché oriental des cotonnades indiennes au thé de Chine et aux épices asiatiques va se réaliser par la route du Cap, via la Hollande ou la France Atlantique.

Le commerce américain (argent du Mexique, tabac de Virginie, fourrures canadiennes) et africain (trafic d’esclaves et de matières premières) asphyxie progressivement le commerce interne méditerranéen.

L’exploitation agricole augmente dans chaque nation et anéantit le commerce du blé par la mer : plongeant dans une grave crise économique la Sicile et les Pouilles, jusque-là considérés comme les greniers de l’Europe.

Seule la France maintient un commerce relativement prospère avec l’Égypte et la Turquie suite au désengagement du commerce « interne » des Britanniques qui penchent davantage vers un commerce « exotique ».

Le XVIIIe siècle prépare l’Europe à un ralentissement économique aggravé par les ravages de la peste (1720) à Marseille, puis en 1743 à Messine (Sicile), malgré l’amélioration des conditions alimentaires des peuples, constatée par l’arrivée des plantes à rendement intensif d’origine américaine (maïs, tomate, aubergine, piment entre autres), qui culmine avec l’arrivée de la pomme de terre au XIXe siècle.

Peu à peu l’économie européenne, se recrée. Le marché transatlantique se partage entre le secteur de luxe et d’agrément et les voyages commerciaux en progression continue jusqu’à l’éclatement de la première guerre, période où se situe la trame du roman.

La Grande Guerre fera voler en éclats l’ordre mondial existant et la mer Méditerranée, qui depuis toujours liait le vieux monde de l’Orient à l’Occident et du Nord au Sud, loin d’être un obstacle, se présente alors comme un chemin à suivre (même à pied le long du littoral comme l’avaient fait auparavant les populations préhistoriques les plus anciennes).

Du cabotage des premiers agriculteurs jusqu’au développement d’une véritable navigation pratiquée déjà par les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les Etrusques entre autres, la Mer Méditerranée permettait des échanges continus en matières premières, en hommes, en idées, en produits de luxe ou de première nécessité et aussi en animaux, en maladies, et selon les aléas de l’histoire : en armes, en peur et en violence.

Mme Almudena Arellano
Mme Almudena Arellano

Mme Almudena Arellano

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